SHUNGA        L’abondante production d’images érotiques attira particulièrement l’attention du public occidental amateur d’art japonais. Bien qu’à l’heure actuelle, une grande partie de ces réalisations soit connue sous le nom de shunga, il faut préciser que ce terme fait référence à l’art érotique produit dans les cités japonaises pendant l’époque d’Edo (1615-1868). Cette vaste production d’images érotiques s’inscrit dans un contexte socio-politique particulier.         Durant le règne du shogun Iemitsu (1623-1651), le sankin kotai ou principe de « résidence alternative » est mis en place. Dans le but de contrôler de manière rapprochée l’allégeance des daimyos (seigneur féodal), le shogun les oblige à venir vivre à Edo tous les deux ans. Les daimyos ne s’installent pas à Edo sans leur suite. Ils amènent avec eux un nombre considérable de domestiques, que l’on compte parfois par milliers. Tous ces domestiques sont des hommes, ce qui explique la présence d’une écrasante majorité d’hommes à Edo à cette époque.         Ayant laissé leur famille pendant un an et débarquant dans la trépidante capitale, la vie nocturne de ces hommes a généralement lieu dans le « quartier des plaisirs » d’Edo (appelé Yoshiwara), le véritable « monde flottant » auquel l’Ukiyo-e fait référence. Après avoir été dévasté par un incendie, le nouveau Yoshiwara est reconstruit en dehors de la ville. En plus d’être dorénavant éloigné, le nouveau « quartier des plaisirs » est également très onéreux, ce qui signifie qu’il ne reste aux hommes que leur imagination pour rêver de cet endroit dans lequel ils ne peuvent se rendre. D’où l’importance des shungas.         Bien qu’il existe des peintures, ces images circulent généralement sous la forme d’estampes bon marché et sont évoquées à travers des euphémismes, n’ayant pas pour vocation d’être dévoilées. Cela explique aussi pourquoi nombre de ces albums de shungas sont aujourd’hui incomplets, abimés ou sans couverture. Le cas des femmes, également consommatrices de shungas, est différent.         Les années durant lesquelles les daimyos retournent dans leur province, leur famille reste à Edo. Il y a donc dans la ville une population importante de femmes très raffinées. Séparées de leur mari, ces femmes vivent en vase clos et n’ont pas souvent l’opportunité de rencontrer des hommes, ce qui explique leur utilisation des shungas. Comme il a été évoqué précédemment, leur cas est un peu différent de la plupart des hommes. Alors que la majeure production d’images érotiques est limitée à des estampes bon marché permettant un transport facile et une certaine discrétion, il existe aussi de luxueux albums peints. On pense que les femmes aisées étaient les principales consommatrices de ce type de shungas car nombre de trousseaux de femmes comprenaient ce genre d’albums.         La plupart des peintres japonais ont produit des albums de shungas, même s’il n’est pas évident de leur en attribuer la paternité car ceux-ci utilisaient des pseudonymes. Hokusai en faisait sûrement partie. Il réalisa un nombre important de shungas pendant la période Tempō (1830-1844), mais son estampe érotique la plus célèbre fut produite entre 1820 et 1830 dans le cadre d’une série de trois albums intitulée Les Jeunes Pins (Kinoye no Komatsu). Dans cet ensemble se trouve la fameuse et redoutable image intitulée Le Rêve de la femme du pêcheur ou La Plongeuse et le poulpe (Tako to ama), dans laquelle une immense pieuvre aspire le bas du corps d’une femme tandis qu’une autre petite pieuvre lui mange goulûment la bouche. Même dans ce domaine il semblerait qu’Hokusai eût été un des artistes les plus originaux de son époque. Retrouvez des illustrations de la production érotique de Hokusai sur Image-Bar. |
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